Badiou entre avant-garde et pompiérisme

25 mai 2010
Par Mavrakis

Je terminerai mon examen critique des opinions de Badiou sur ce qu’il appelle « art » en commentant trois derniers passages de l’entretien accordé à During.

1) « Tendanciellement l’art du XXe siècle se centre sur l’acte plutôt que sur l’œuvre ».

2) « Le XXe  siècle […] a voulu inventer un matérialisme romantique. Soit une dissolution du geste créateur dans le Retour éternel de sa propre disparition. Mais les objets ne reviennent pas, seuls peuvent le faire les actes. D’où l’effacement de l’œuvre derrière son procès d’engendrement ». 

3) « Nous oscillons entre l’abjection de l’excrément rendu visible, et le sacré d’une trace qu’infinitise sa visible invisibilité » 

Mes observations :

- On pourrait aussi bien affirmer que les objets seuls reviennent, par exemple les urinoirs de Gober après celui de Duchamp. Les actes, eux, sont très différents. D’abord ses urinoirs Gober les a fabriqués de ses blanches mains ; ensuite le précédent de Duchamp confère une autre signification (et enlève tout intérêt) au geste de son imitateur.

- Effacement de l’œuvre derrière son procès d’engendrement ? Mais de quoi puisqu’il n’y a pas d’œuvre ? Qu’est-ce un engendrement qui n’engendre rien ? En tant qu’il se prétend œuvre d’art, l’urinoir est un pur néant. Rien n’y disparaît ; surtout pas une sirène (comme dans le sonnet de Mallarmé A la nue accablante tu).

- La troisième citation prouve que Badiou n’a même pas l’excuse d’ignorer ce qu’est l’art contemporain comme la plupart des intellectuels. Doués d’un instinct très sûr, ceux-ci évitent de s’exposer à des expériences pénibles. Lui, au contraire, est assez snob ou assez masochiste pour en courir le risque.

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