M.-E. Nabe sur « l’art contemporain »

28 mars 2010
Par Mavrakis

Mikael Faujour m’a signalé l’émission de Taddei du 22 mars dans laquelle il recevait Marc-Edouard Nabe à l’occasion de la parution de son roman L’homme qui arrêta d’écrire. A cette occasion, en effet le non-art contemporain s’est fait étriller d’importance par l’écrivain qui ne lui fait pas non-plus de cadeaux dans son livre. Notre époque et celle de l’impossibilité de faire de l’art et donc d’atteindre au beau et au sublime, dit Taddei en résumant le propos de Nabe. La raison en est, précise ce dernier, que les leader d’opinion pratiquent la table rase des soixante-huitards. Ils privent les nouvelles générations de l’accès à ce qui s’est fait avant elle. Ou alors ils ne lui montrent que des déchets en s’efforçant de lui faire croire qu’il n’y a que ça d’intéressant. C’est une opération de falsification. A force de substituer le faux à l’authentique et la culture à l’art et on a fini par en dégoûter les jeunes. Ils devraient se fier à leur instinct, à leurs passions et apprendre le discernement par la comparaison. Autrefois, il y avait des critiques qui jouaient leur rôle d’initiateurs et enseignaient à distinguer le bon du mauvais. Etre capable de porter un jugement comparatif est essentiel. Aujourd’hui les critiques se mettent hors des critères si bien qu’il n’y a rien à dire concernant l’art contemporain. Il n’est ni beau ni laid. Il est simplement cher. Devant cette escroquerie, les critiques sont à plat ventre en faisant semblant de trouver ça génial. Ils ont légitimé cette régression et cette infantilisation qu’illustrent les gadgets et jouets d’un Jeff Koons exposé à Versailles pour redresser sa cote menacée et faire plaisir au milliardaire François Pinault. Son homard, dit Nabe, a besoin de Versailles pour choquer, par contraste car il ne peut se soutenir par lui-même. Comment le pourrait-il ? Un homard après tout n’est qu’un homard. Les Koons et les Murakami sont les pompiers d’aujourd’hui. La preuve en est que les bourgeois les adorent.

A un moment, la pensée de Nabe confine au génie. Voulant sans doute dire que le beau et le sublime ne sont pas affaire de caprice ou de jugement idiosyncrasique mais tiennent à des caractéristiques objectives, il déclare abruptement que c’est Dieu qui reconnaît ces qualités aux œuvres.        

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2 Réponses

  1. Faujour on 10 mai 2010 at 11 h 22 min

    M. Mavrakis,

    Ravi que vous ayez jeté un oeil à la vidéo. Voyez que vous n’êtes pas isolés, que cette parole peut se dire çà et là. (Je crois que même des types très médiatiques comme Eric Naulleau ou Michel Onfray ont pu tenir des propos très acides, acerbes et lucides sur l’AC/non-art à la télévision – que les snobinards d’ailleurs ne manqueraient pas de qualifier de média démagogique et populacier, pour ne pas s’attaquer aux arguments eux-mêmes ; je vous fais pas de dessin…)
    Hier, alors que je regardais le JT du service public – déplorant que les impôts que j’acquitte puissent financer si atterrante médiocrité de l’information – voici une « news insolite » qui est tombée : un gang de Blanche-Neiges armées de kalach descend d’hélicoptère, se promène dans un marché, puis se dissipe.
    Sans doute notre civilisation rationaliste ne croit-elle pas aux fantômes, aux esprits ou aux extraterrestres ; à tout le moins, lorsqu’un événement paranormal surgit, le réflexe logique est de se dire : « bah, c’est de l’art contemporain ». Comme un gamin agité qui aurait souillé un mur ou renversé la vaisselle… « C’est de l’art contemporain »…
    L’art contemporain n’est parfois rien d’autre que le bizarre pour le bizarre, le choc pour le choc. http://www.lanouvellerepublique.fr/LOISIRS/Concerts-spectacles/Un-gang-arme-de-Blanche-Neige-atterrit-a-Rouille

    http://www.leparisien.fr/faits-divers/un-gang-de-blanche-neige-sur-le-marche-de-rouille-09-05-2010-914855.php

    Bonne lecture. Ne rendez pas les armes.

  2. Jesse Darvas on 5 avril 2011 at 15 h 02 min

    Le point de vue de Marc-Edouard Nabe sur l’art rejoint en partie le vôtre, même s’il accorde tout de même une certaine valeur à Duchamp (il faut lire L’Homme qui arrêta d’écrire pour comprendre)
    Ceci dit sa vision de l’Occident décadent (et son admiration en contrepoint pour les terroristes islamistes) est bien plus extrême que celle que vous reprochiez à Badiou dans un article de Valeurs actuelles… Voir par exemple Une Lueur d’espoir.
    On peut sans doute distinguer les deux (art et politique) mais lire un éloge de Nabe sur ce site est troublant.

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