Ne soyez plus snobs
Je voudrais porter à votre connaissance quelques opinions formulées par des personnalités d’avant-garde ou dont la place dans l’histoire de l’art est incontestable. Elles peuvent servir à libérer son jugement critique des idées reçues. Les vrais connaisseurs sont francs et tranchants dans l’expression de leurs préférences. Ce qui compte c’est la sincérité. La vérité en est une conséquence. C’est pourquoi le snobisme est le pire ennemi de l’art. Je citerai donc un passage emprunté à Nicolas Grimaldi : « Que Mondrian n’ait jamais pu faire qu’ »une pseudo-peinture », que Hartung ne se soit livré qu’à des « exercices de pinceau », qu’on puisse reconnaître à Bazaine et Manessier « un métier, mais pas celui de peintre », c’est ce que disait Kahnweiler, le marchand de Picasso et de Juan Gris. Mais ni Pissaro ni Cézannes ne jugeaient moins sévérement Gauguin. « Le fond de son caractère est anti-artistique », estimait le premier; tandis qu’au second il paraissait tout bonhement « n’être pas un peintre ». Il est vrai que de son côté, Chirico s’exprimait sans plus d’indulgence sur « les croûtes de Cézannes »(1).J’ai à votre service une autre citation iconoclaste extraite d’une interview accordée par Balthus ç Connaissance des Arts, n° 477, nov. 1991.Balthus : « Mondrian est intéressant. Au début il peignait d’après nature. Pour aboutir finalement à des petits carrés. Je n’ai jamais compris pourquoi.Question : Qu’avez-vous contre l’abstraction?Réponse : Je pense qu’elle renferme quelque chose de faux. Les peintres abstraits ont rassemblé toute une panoplie d’éléments pour faire croire qu’ils voyaient quelque chose que les autres ne voyaient pas.[...] L’abstraction est la fin de l’art. Gustave Moreau avait dit à Matisse : »Vous allez simplifier la peinture » – La peinture a été simplifiée de la façon la plus cruelle qui soit. Ca été la fin de l’art. [...] A Londres nous avons vu un tableau peint par un singe. Cette oeuvre est aussi valable que de nombreuses peintures qui sont exposées dans les galeries ».(1) Cf. Préjugés et paradoxes, PUF 2007, pp 153-154.