Les palinodies de Philippe Dagen

7 février 2009
Par Mavrakis

Il n’y a peu j’ai proposé quelques réflexions sur un article de Philippe Dagen qui qualifiait d’œuvres artistiques réalistes les lacérations d’affiches commises par le dénommé Villéglé, une des gloires du Centre Pompidou. Moins d’un mois et demi plus tard, Dagen tient un discours très différent sur le même sujet à savoir le non-art plus ou moins contemporain. Il s’en prend à des figures phares de l’establishment mondial dans ce domaine tel que Charles Saatchi vice, président du parti conservateur anglais, ancien publicitaire et nouveau spéculateur professionnel en objets antiartistiques. Ce personnage, organisateur de l’exposition « Sensation » à la Royal Academy en 1997, avait promu à cette occasion les frères Chapman qui s’étaient fait connaître en exposant des « mannequins de jeunes filles et garçons sur les visages et les corps desquels étaient implantés en grand nombre des sexes féminins et masculins ». Par la suite, ces « artistes » se sont spécialisés dans le barbouillage d’aquarelles de la main d’Hitler. A défaut de qualités artistiques éminentes, ces dernières œuvres à présentaient au moins l’intérêt qui s’attache à des documents historiques. Leur destruction par les frères Chapman ne produit aucun effet de sens, elle est une simple opération commerciale. Le champion en cette matière (l’art de faire de l’argent avec rien) est Damien Hirst qui doit lui aussi sa célébrité à Saatchi. Tout le monde a entendu parler de ses veaux, vaches, moutons, entiers ou découpés en tranches et conservés dans du formol. Je vous épargne d’autres exemples qui risqueraient de troubler votre digestion. Dagen ne s’arrête pas là et met en cause d’autres célébrités comme Maurizio Cattelan ou Jeff Koons (mais non Jan Fabre). Il dénonce un art qui non seulement n’a « aucune critique à formuler contre [le capitalisme] mais flatte quelques-uns de ses milliardaires en les faisant passer pour des protecteurs des arts ». Il se trouve que Philippe Dagen s’est fait l’avocat zélé du non-art qu’il nomme sans vergogne « art ». C’est avec son concours que Le Monde a toujours pesé de tout son poids (qui est grand) en faveur de ce que son collaborateur semble critiquer aujourd’hui. On doit se garder de voir en lui un travailleur de la onzième heure. Il n’y a dans son attitude actuelle nul revirement mais une preuve de sa souplesse tactique. Il est d’ailleurs coutumier du fait : un coup à gauche, un coup à droite. Notre homme sait que de temps en temps des concessions sont nécessaires pour préserver l’essentiel et ne pas perdre toute crédibilité. Face aux puissances de l’argent, il prend d’ailleurs des gants et s’en tient à des généralités. Il s’abstient ainsi de nommer Pinault dont la collection compte des dizaines de Koons. Faut-il s’étonner que cet anartiste soit à l’honneur au musée de Versailles dont le conservateur Jean-Jacques Aillagon a dirigé la fondation Pinault ? Ce serviteur de l’Etat fait ainsi un magnifique cadeau à son ancien patron qui lui renverra sûrement l’ascenseur. Si vous estimez que cela ressemble à de la prise illégale d’intérêts, vous n’aurez peut-être pas tort.

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